Irlande France

Publié le par Gou

Seule une victoire en Irlande, dans la fureur de Lansdowne Road, ce soir (20h55), peut permettre à l'équipe de France de maîtriser totalement son destin dans la course à la Coupe du monde. Zidane, Makelele et Thuram ne sont revenus que pour vivre «ça».



Ce soir, les Bleus «vont souffrir ensemble». Ils savent pourquoi. Tout en prononçant cette phrase, son auteur, Claude Makelele, ne se plaint de rien. «C'est pour ces matches-là qu'on joue au foot», résume Raymond Domenech. L'histoire ne dit pas si Zidane a eu besoin d'annoncer au joueur de Chelsea, pour le faire revenir, que «jouer à Lansdowne Road devant 50 000 Irlandais, gagner, et repartir, ça (leur) irait bien». Une chose est sûre : tous leurs équipiers n'en pensent pas moins. La dramatique du match est aussi leur oeuvre : ils sont obligés d'aller chercher aujourd'hui à l'extérieur les points abandonnés hier à domicile. «On y est, on va connaître la réalité de cette équipe», répète Domenech depuis que la dernière ligne droite est tracée. Dès le tirage au sort, il était acquis que ce déplacement à Dublin, contre l'Irlande, serait le thrilling moment de la campagne de qualification. Un match à Lansdowne Road est toujours la promesse d'un combat, contre une équipe, son environnement, et contre les éléments. Un rien provoc, Domenech a d'ailleurs déclaré mardi qu'il souhaitait «de la pluie et du vent, des vraies conditions, pour que les joueurs aient à disputer un match tel qu'ils l'ont imaginé».

Il se trouve que les événements, ou plutôt les mathématiques, ont encore bonifié l'affiche. A trois matches de l'arrivée, la France n'a pas fait davantage que l'Irlande, ni la Suisse qui doit gagner à Chypre ce soir, pour aller en Allemagne. La prolifération des matches nuls entre tous les favoris dans ce groupe 4 confère à ce choc une intensité dramatique jamais vue par ici - pour une campagne de qualification - depuis le Roumanie - France de 1995 (1-3), qui avait ouvert les portes de l'Euro à une équipe abonnée aux 0-0. C'est cette fois une place pour la Coupe du monde qui est mise en jeu, même si ce ne sera pas pour tout de suite. Aussi excitant qu'il soit, cet Irlande - France n'est pas encore totalement décisif. En cas de sévère défaite, la France ne serait pas éliminée. Une large victoire ne lui garantirait rien non plus, sinon la certitude qu'elle maîtrise encore son destin, ce qui vaut en soi pas mal d'efforts. Un résultat nul la rendrait en partie dépendante des autres. Certes, c'est un peu comme ça depuis le début, mais ce n'est pas une raison pour continuer à jouer avec le feu... «Ce sera difficile, mais notre objectif est de gagner. Surtout, ne pas perdre», résume Zidane.


Pour tout dire, les Bleus ne semblent pas se faire une montagne de ces Verts-là. Les Irlandais, dans la rue, expliquent d'ailleurs qu'ils n'y croient pas beaucoup, qu'il sera toujours temps de battre la Suisse pour rester en vie. Les retours de Zidane, Thuram et Makelele ont eu le mérite de redéfinir le débat en des termes simples. Ils ont donné à l'équipe de France la certitude qu'elle avait plus d'arguments que toute autre équipe dans ce groupe, ce dont elle avait fini par douter. Les "nouveaux Bleus" ont débuté la saison par deux victoires 3-0 à la maison, ce qui n'est pas une vilaine préparation malgré moult imperfections, contre la Côte-d'Ivoire et les Féroé. Le challenge consiste, après ces deux répétitions, à se hisser maintenant au niveau de l'événement, rien qui ne soit hors d'atteinte pour un groupe dont l'ambition est d'aller à la Coupe du monde pour la gagner, selon son entraîneur. La victoire semble cependant passer par un match quasi parfait, en tout cas extrêmement complet. Il faudra combattre physiquement, résister mentalement aux provocations, et jouer au ballon. Mieux que face à la Côte-d'Ivoire, où les occasions ne furent finalement pas légion, mieux que samedi, puisque les Féroé auraient dû encaisser trois fois plus de but. Il faudra oeuvrer mieux, et surtout avec plus de constance que lors de n'importe quel match de l'ère Domenech. «Comme toutes les équipes, l'Irlande est moins bien quand elle court après le ballon que quand elle l'a, observe le sélectionneur. On leur avait trop laissé à l'aller (0-0). Cette possession du ballon va être capitale

Depuis la rentrée 2004, la France n'a gagné de matches officiels que devant les Iles Féroé et Chypre. Ses autres victimes furent la Hongrie et la Côte-d'Ivoire. Et si l'Irlande n'a jamais fait mieux qu'un quart de finale de Coupe du monde (1990), l'histoire parle plutôt pour elle avant d'aborder ce match qui passionne le pays. La France n'a plus gagné à Dublin depuis 1953 (5-3). Elle a échoué deux fois à Lansdowne Road dans des circonstances comparables (1-2 en 1971, 2-3 en 1981). La France peut succéder à l'Espagne (1989) et aux Pays-Bas (2001) au rayon des cadors éliminés sur la mythique pelouse chère au XV national. Overmars se souvient d'ailleurs du premier tacle de Keane, qui l'avait mis par terre et donné le ton du match, il y a quatre ans. Si le propre des champions est de sortir le grand jeu au moment où cela devient indispensable, la sélection française a tout en main pour prouver qu'il faut croire en elle. Bien sûr, il est tout à fait possible qu'ainsi alléché, le chaland se retrouve avec un nouveau 0-0, ou 1-1 comme lors de Suisse - Israël samedi, ou 2-2 comme lors d'Irlande - Israël en juin dernier, et que tout le monde continue à trouver formidable de ne pas perdre et d'assister à une lutte si serrée. C'est possible. Mais ce serait faire injure au catalogue d'ingrédients qui peuvent rendre ce match inoubliable, voire fondateur. Zidane n'est pas revenu pour prendre un petit point. Makelele non plus. Il veut bien souffrir, oui : sur le terrain, contre Keane, Duff et le bluff du public. Mais pas dans la détresse d'un vestiaire trop étroit après le coup de sifflet final.
 

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